mercredi 22 avril 2015

Contes modernes - 38

SAUVETAGE SILENCIEUX


Après la cérémonie à la mairie, la célébration du mariage de Vic et Dillon se poursuivait au Sept nains, une auberge pittoresque environnée de forêt. Avec quelques difficultés malgré son GPS et les indications de son neveu, Jim, au volant de sa Porsche bleu marine, était finalement parvenu devant la maison au toit recouvert d'ardoises, aux murs blanchis à la chaux pour le bas, avec colombage sur le haut et une enseigne ornée de sept bonshommes rouges. Le choix du lieu était un coup à perdre ses invités dans la nature, mais Vic, pressé d'épouser l'élu de son cœur n'avait trouvé que cette auberge de libre qui réponde à ses critères et à ceux de Dillon. D'après leur site internet, les Sept nains était tenue par deux couples atteints de nanisme, pour l'un parents de trois enfants. Changeaient-ils le nom de l'auberge à chaque nouvelle naissance ?
Dès qu'elle le vit entrer dans la salle aux murs et plafond en bois blond, sa nièce Tori, se précipita vers lui.
— Te voilà enfin Oncle Jim !
— Ne me dis pas qu'il ne manquait plus que moi.
— Non, bien sûr que non, mais je te rappelle qu'en tant que témoin du marié, tu es supposé porter un toast !
— Je n'ai pas oublié.
— Tu dois avoir soif, décréta-t-elle et, glissant un bras sous le sien, elle se serra contre lui pour le conduire à la table recouverte de verres et de bouteilles où deux nains s'activaient à servir les invités déjà arrivés.
Sa nièce était une jolie brune aux yeux bleus chaleureuse et généreuse, mais aussi  autoritaire, comme son frère Vic.
Là-dessus, l'un comme l'autre tenait de leur père, Mike. Lui et Jim étaient fort différents et pendant longtemps, ils ne s'étaient pas fréquentés, Mike reprochant à Jim de juste investir au lieu de travailler comme un forcené pour faire fructifier la fortune familiale, et de courir les femmes comme les hommes plutôt que de se contenter des premières. C'était Vic qui les avait involontairement amenés à se réconcilier en débarquant un beau jour sans prévenir chez lui, très remonté contre ses parents qui n'avait pas bien accueilli la nouvelle qu'il était gay, Jim l'avait assez vite reconduit chez Mike et son épouse et avait su les rabibocher, ce qui lui avait valu leur reconnaissance, même si son grand frère continuait à réprouver son mode de vie.
— Tu prends quoi, oncle Jim ?
— L'alcool le plus fort du lot, répondit Jim, moitié pour rire, moitié sérieusement.
Il était content pour son neveu : c'était bien que les temps aient changé et que le mariage entre personnes de même sexe soit désormais possible et légal, mais encore fallait-il trouver le partenaire avec qui passer devant le maire et à quarante et un ans, Jim commençait à penser qu'il finirait seul.
Quelqu'un pour chauffer son lit, ce n'était pas trop difficile à dénicher, surtout que les hommes comme les femmes lui convenaient, quelqu'un pour partager son quotidien et vieillir à ses côtés, c'était une tout autre histoire.
— Oncle Jim ! s'écria Tori, indignée par sa réponse désinvolte.
— Je promets que je serai encore sobre pour le toast.
— Ce n'est pas bon de trop boire.
Jim appuya un doigt sur le bout du nez de sa nièce qui le fronça joliment.
— Je ne suis plus une gamine ! protesta-t-elle en écartant sa main.
— Je sais bien. A quand ton mariage ?
— Je n'ai que vingt-un ans ! C'est plutôt à moi de te poser la question !
Jim garda le sourire, cachant la peine que cela lui causait. Il l'avait pourtant cherché celle-là. Tori n'avait fait que se défendre de sa taquinerie. Elle ne pouvait pas savoir... Pour elle, son oncle était un bon vivant qui collectionnait les conquêtes féminines et masculines, pas un homme qui cherchait sérieusement quelqu'un.
Son gros souci, c'est que les femmes comme les hommes qu'il rencontrait avaient tendance à être charmé par son compte en banque plutôt que par sa spiritualité. C'était l'un des inconvénients à avoir de l'argent. Ce n'était bien sûr pas marqué sur son front, mais il s'habillait dans des costumes faits sur mesure, portait une Rolex Submariner au poignet et roulait en Porsche. Il aurait pu s'arranger pour que sa bonne fortune soit moins visible, mais tout ce luxe lui était naturel et il se sentait déguisé autrement. Il savait qu'il avait de la chance d'être riche et il en profitait. Il investissait dans les entreprises qui lui semblaient prometteuses – il avait d'ailleurs des parts dans la boîte de Vic – et s'adonnait au mécénat. Il avait ainsi ouvert plusieurs galeries d'art où il exposait les artistes qu'il jugeait talentueux.

2 commentaires:

cielou a dit…

Pauvre oncle Jim, contente d'en apprendre un peu plus sur lui et j'ai hâte de lire la suite

Jeckyll a dit…

Merci pour ce nouveau conte j'ai hâte de voir ce qui va arriver à l'oncle JIm ^__^

Vivement la suite XD